Ironman de Cervia : Le récit de Florian Jouanny

Retour sur ma course de ce samedi 22 septembre 2018 à Cervia, mon deuxième triathlon, mon deuxième IRONMAN.
Encore une fois, avant de retranscrire ce qu’il s’est passé lors de cette épreuve.

Je voudrais remercier l’équipe de choc qui m’a accompagnée. Je remercie également l’organisation de la course qui a été royale, mes clubs et ma famille. Immenses remerciements également à Oriano et sa famille (les patrons de notre hôtel, top au passage), que je ne connaissais pas en arrivant sur place, mais que je n’oublierai pas.
J’ai abordé cette course avec beaucoup moins de doutes, de questionnements et d’inconnus que l’an dernier à Barcelone. Après ma belle expérience catalane, je pensais savoir ce qu’il m’attendait, tant en terme de souffrance physique, que mentale, je savais que ça allait être une longue et dure épreuve. Et ; même si je l’avais confié à peu de gens ; j’avais la ferme intention de faire claquer un chrono plus rapide qu’en 2017.
Voici le récit d’une journée émotionnellement intense…

Le réveil était réglé à 5h mais je me lève à 4h40, tournant dans le lit depuis de longues minutes, l’adrénaline est bien là. Une fois le petit déjeuner englouti, nous vérifions les derniers détails et partons, de nuit direction le parc à vélo. Mon départ est donné à 7h36, 6 minutes après les professionnels hommes, 1 minute après les femmes professionnelles et 9 minutes avant les amateurs. Guidé par Rémi, nous avons décidé contrairement à l’an dernier, de prendre toutes les bouées très à l’extérieur et par conséquent de rallonger la distance de manière à éviter de se faire trop chahuter. Ainsi nous nous élançons dans une eau à 24 degrés, calme et sous un soleil se levant doucement. Malgré la température relativement chaude de l’eau, les combinaisons sont autorisées pour cause de méduses.

Je pars sur un bon rythme sans me mettre dans le rouge, le sel m’assèche très rapidement la bouche et la sensation de soif m’est désagréable. Je me dis, tout en fixant inlassablement le ciel, puisque nageant sur le dos ; que je n’ai qu’à accélérer pour étancher ma soif plus rapidement.

Le temps me semble assez long mais nous arrivant enfin dans la dernière ligne droite en direction de la plage. Comparativement à l’an dernier j’ai beaucoup moins pris de coups et bu de tasses, j’arrive relativement frais au niveau de deux lifeguards qui m’attendent à la sortie de l’eau. Je les attrape alors par le coup, mon père ouvre ma combinaison et sous la pression de la course je leur cris dessus pour qu’ils me sortent de l’eau très vite : « GO GO GO !! ». Ils me posent alors sur leur quad pour traverser la plage et m’amener à l’entrée du parc à vélo, où je coupe la cellule en 1h37min. Une fois sur place, Rémi et mon père me récupèrent et me portent le plus rapidement possible à l’autre bout du parc, 250 mètres environ avec des coureurs parfois peu lucides…

C’est alors qu’on me retire la combinaison, me sèche, m’installe dans le vélo, le tout en mangeant et buvant.

Me voilà parti en handbike, je traverse de nouveau le parc à vélo, en sens inverse cette fois-ci. Transition faite en 13min30. Je pars sur un bon rythme, je roule entre 26 et 30 km/h dans les 2 premiers km, à ce moment là je me dis, « tu vas le faire péter ce chrono ».
C’était sans compter sur ce sifflement soudain qui vient me titiller l’oreille gauche quelques secondes plus tard ; l’espace d’une dizaine de secondes je me dis que ça peut être un bout de papier qui s’est coincé entre ma barre anti-encastrement et la roue arrière…

Puis je me rends à l’évidence en voyant la vitesse diminuer, j’ai percé !!! Une crevaison « lente », je sens ma roue se dégonfler petit à petit, alors je mets tout ce que j’ai pour aller au plus loin avant d’être complètement à plat.
Me voilà au 5ème kilomètre, le boyau arrière gauche crevé, pendant quelques instants je suis très en colère, contre le destin, contre la malchance, contre la terre entière, j’hurle, si bien que certaines personnes me doublant se retournent sans comprendre. Je me résonne rapidement, sachant que je n’ai pas d’énergie à perdre, que j’en aurai besoin plus tard. Mon équipe est divisée en deux, à chaque extrémité du parcours, ayant percé juste après le premier poste avec les roues de secours ; il me reste le second ; dans 40 km…40 km en faux plat montant. A ce moment là je me dis que c’est mort, que je ne pourrai pas finir ; mais abandonner ici n’a pas de sens, si je suis là, c’est pour sortir mes tripes ; pas pour abandonner sur crevaison… Alors je décide de rallier le poste de secours coute que coute. Au 15ème kilomètre une moto de la course me demande si ça va, alors je leur explique mon problème, je leur dis que j’ai une bombe anti crevaison ; un mec essaye de s’en servir mais sans succès. Un mécanicien arrive quelques secondes plus tard, disant qu’il sait se servir de la bombe, sauf que maintenant elle est vide … Je leur donne donc des numéros de téléphone pour prévenir mes accompagnants mais entre téléphone italien et français rien ne fonctionne. Je repars donc ayant perdu un quart d’heure supplémentaire, pour rien. Les kilomètres me semblent interminables, et je vois la moyenne qui chute ; pourtant je donne tout. J’ai espoir que quelqu’un voit sur le tracker que j’avance trop lentement et qu’ils viennent à me rencontre. Mais mes espoirs sont vains. Je dois me résoudre à aller jusqu’au pied de la côte pour pouvoir changer de roue. Après 2h30 de souffrance, j’arrive enfin à Forlimpopoli, au pied de la fameuse bosse. Mais là ; personne ! Je ne comprends pas, où sont-ils ? Mais ZUT ! Ils ont bien vu que j’avais un souci ! Et non, ils n’avaient pas capté, et m’attendaient 1,5 km plus loin. Me voilà dans les premières rampes, avec des passages à plus de 12%, je m’égosille, espérant qu’ils m’entendent et descendent. Je tombe sur Oriano, il était en vélo, qui me suivait de loin en coupant par d’autres routes lorsqu’il se faisait disputer par la sécurité. Je lui fais comprendre que j’ai percé, il fonce avertir mon père, Léa et Barnard qui descendent en courant ; à deux ils me changent rapidement la roue.

Je finis la montée au taquet, je change de gourde au sommet et repars pour 45km en sens inverse. Je mets tout ce que j’ai pour reprendre du temps. Le vent s’est levé, il est de face dans ce sens, pas simple mais je boucle ce deuxième demi tour de circuit à plus de 25 km/h de moyenne, j’ai repris du temps précieux, le moral revient !!
J’arrive au demi-tour, et là, nouvelle surprise, je cherche l’autre partie de l’équipe pour changer de gourde et me ravitailler mais je ne vois personne. Tant pis, je fonce ; le tracker marchait mal, ils me croyaient encore loin. Plus que 90 km (je ne pense pas à ce moment là qu’il reste un marathon derrière), j’essaie de motiver. Mais au 115ème km je prends un grand coup de moins bien, j’ai trop chaud, 34 degrés au compteur, pas d’ombre sur le parcours, la tête face au soleil depuis des heures et plus d’eau… De plus, depuis quelques kilomètres la peau me brule aussi sur les bras, l’effet du sel de mer non rincé certainement. Je demande alors à un participant de m’arroser avec son bidon et de me donner à boire, quel bonheur, merci !!
Me voilà au pied de la bosse ; au kilomètre 135, cette fois, la team est descendue presqu’ en bas, je suis à l’arrachée ; presque à l’arrêt dans les plus gros pourcentages (14-15%). Je profite de leur présence pour manger un bout et changer de bidon. Mais cette fois je suis cuit, l’énergie déployée lors des 45 premiers kilomètres me manque. Je repars tout de même pour les 45 derniers. En voyant les visages de mes suiveurs j’ai vu qu’ils me pensaient abandonnant prochainement. Je l’ai aussi cru un moment.

Pendant cette course je me suis rendu compte que la souffrance psychique est certainement plus dure à gérer que la détresse physique. Le moral s’est évaporé, plus de bras, des problèmes intestinaux très douloureux, des appuis que je sentais me blessant dans le dos. Plus rien n’allait à 40 km de la fin du vélo. J’étais à ce moment là escorté par 5 ou 6 motos de police, 2 voitures de police et 2 de l’organisation ; à 20 km de l’arrivée, je me suis arrêté pour satisfaire un besoin naturel. Un motard m’a demandé si j’arrêtais, j’ai répondu non de suite, puis j’ai réfléchi quelques instants à cette question tant la douleur prenait le dessus sur tout autre sentiment.

A ce moment là j’ai repensé à Jean qui me masser la veille au soir ; me demandant de me rappeler des émotions que tout le monde avait vécu l’an dernier à Barcelone, les joies partagées à l’arrivée, le bonheur sur les visages. Et je suis reparti.

La veille il m’avait aussi dit de ne jamais oublier la notion de plaisir pendant la course ; mais là ; je ne pouvais plus, je n’éprouvais plus aucun plaisir. Alors je me suis dit que je devais finir pour les autres, pour ceux qui c’étaient déplacés loin, qui avaient pris de leur temps pour moi. Qu’ils ne méritaient pas que j’abandonne.

Me voilà donc arrivant dans Cervia pour les derniers hectomètres, les encouragements du public me redonnent un peu de force et je termine cette partie cycliste en accélérant

Je traverse une nouvelle fois le parc à vélo ; tout le monde est là, ils me sortent du vélo, me rassoient dans mon fauteuil de ville. Je mange quelques tranches de saucisson, un régal, je n’en pouvais plus des sucreries. Mon ventre me fait souffrir, je prends quelques minutes, puis on m’installe dans le fauteuil d’athlétisme.

C’est parti pour le marathon, Rémi court à coté et devant 2 vélos de l’organisation et Oriano ouvre la route pour écarter les gens sur le passage. Je pars sur un rythme prudent, puis accélère petit à petit, le moral est revenu et le physique par conséquent. Rémi et Oriano (qui court 2h50 au marathon à 60 ans au passage ;p ) finiront par alterner en vélo et course à pieds. Le public hurlant ainsi que la musique tonitruante me galvanisent sur la fin et le marathon me semblera presque « court » ; 3h35 avec une pause pipi de 10 petites minutes au semi. On coupe la ligne à 3, Rémi Oriano et moi-même, main dans main sur Losing my religion 😀

Ce triathlon restera à jamais un de mes plus grands souvenirs sportifs et émotionnels ; le fait d’avoir cru un temps ne jamais pouvoir finir à décupler mon bonheur une fois la ligne franchie. Et quelle joie de voir que cette victoire émeu aussi bien Rémi, Oriano, sa femme Adriana, sa fille Denisa, mes parents, ma chérie Léa, Philippe et Bernard tous présents à l’arrivée et formidables tout au long de la course et avant.
Au final je mets un peu plus de 14h52 minutes à bouclé cet IRONMAN, 3 minutes de moins que l’an dernier. Et pour toutes les raisons citées dans le paragraphe précédent je suis désolé d’annoncer à mes parents et Léa, et heureux d’annoncer aux autres ; que l’an prochains, je réitèrerai !

Récit par Florian Jouanny et photos par Bernard Poisson